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2015/06 > Peut-on déposer une marque constituée de la forme d’un produit aujourd’hui ?

Le sujet est pour le moins débattu en jurisprudence.

Dans une première espèce, la société Cadbury UK Ltd s’était opposée devant l’Office britannique à la demande d’enregistrement effectuée par la société des Produits Nestlé SA de la marque 3D suivante :

Cadbury contestait ainsi le caractère enregistrable de la fameuse forme de gaufrette chocolatée à quatre barres commercialisée par Nestlé sous la marque Kit Kat. Cette opposition avait été accueillie par l’Office britannique au motif que l’enregistrement antérieur invoqué  à savoir la forme seule de la gaufrette, était dépourvu intrinsèquement de caractère distinctif.

Par ailleurs, l’usage invoqué par Nestlé, à peine modifié depuis 1935 a été jugé insuffisant pour conférer à cette forme un caractère distinctif, au motif que la forme déposée correspondait au produit séparé de son emballage et qu’elle ne portait pas la mention Kit Kat en principe présente sur le produit.

La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) se trouve ainsi aujourd’hui saisie d’une demande préjudicielle par la High Court of Justice, portant sur la question de savoir si la forme de la gaufrette, à elle seule, doit exercer la fonction de marque en tant que garantie d’origine, et ainsi identifier le produit ou le service comme provenant exclusivement d’une entreprise déterminée, ou s’il suffit qu’une partie substantielle du public pertinent puisse  reconnaitre cette forme et l’associer aux produits et services de cette même société.

Il ressort des conclusions rendues par l’Avocat Général M. Melchior Wathelet le 11 juin 2015 (C-215/14), qu’il appartient, selon lui, au demandeur de rapporter la preuve que la marque dont l’enregistrement est demandé, en tant que telle, pour le consommateur normalement informé, raisonnablement attentif et avisé, indique l’origine exclusive des produits ou services en cause et ce, par opposition à toute autre marque pouvant également être présente, et sans confusion possible.

Ainsi, l’Avocat Général ne partage pas la position soutenue par la société Nestlé qui dans une précédente affaire relative au caractère enregistrable du signe « Have a break…», avait fait juger que le caractère distinctif d’une marque pouvait être acquis à la suite d’un usage de cette même marque comme partie d’une autre marque en l’occurrence « Have a break, Have a Kit Kat » ou en conjonction avec une autre marque, à savoir « Kit Kat », du moment que les milieux intéressés percevaient du fait de l’usage effectué, le produit ou le service désigné par la marque, comme provenant d’une entreprise déterminée (C-353/03).

La High Court demande également à la CJUE de se prononcer sur le point de savoir si les motifs de refus doivent être appliqués cumulativement lorsque, comme dans le cas présent, la forme du produit résulte de la nature même du produit, est nécessaire à l’obtention d’un résultat technique et donne la valeur substantielle au produit. Sur ce point, l’Avocat Général conclut que si une forme qui comprend ces trois caractéristiques essentielles ne peut être enregistrée, il suffit « qu’au moins un des motifs [de refus] s’applique pleinement à celle-ci ».

Enfin, l’Avocat Général conclut que les termes « nécessaire à l’obtention d’un résultat technique » s’appliquent non seulement à la manière dont les produits en cause fonctionnent, mais également à la manière dont ils sont fabriqués.

Ainsi et si la CJUE suit les conclusions de l’Avocat Général, un signe déposé  à titre de marque devra permettre, en tant que tel, aux milieux intéressés d’identifier le produit ou le service concerné comme provenant exclusivement d’une entreprise déterminée et pour évaluer si ce signe a acquis un caractère distinctif du fait de son usage, il conviendra de s’attacher à l’usage du signe lui-même et non en combinaison avec d’autres éléments.

La protection attachée aux marques constituées de forme risque donc de s’avérer encore plus difficile à obtenir qu’elle ne l’est déjà.

En revanche, par arrêt du 19 juin 2015 (T-396/14), la figurine enregistrée à titre de marque au nom de la société Lego pour des jouets échappe à l’annulation demandée par un fabricant de produits similaires. Pour rejeter le recours formé par ce dernier, le Tribunal de Première Instance de l’Union Européenne retient, suivant en cela la chambre de recours de l’OHMI, que le requérant n’avait pas démontré en quoi la marque contestée était exclusivement constituée par une forme nécessaire à l’obtention d’un résultat technique. Ainsi, la figurine n’était pas modulaire puisqu’elle ne pouvait pas être combinée avec d’autres figurines identiques. Sa forme n’était donc pas le résultat d’une fonction technique. Le fait que certaines parties soient mobiles n’était pas en soi un résultat technique. De même, l’assemblage possible du personnage avec des briques Lego n’était pas non plus un résultat technique ni du personnage ni de sa forme. 

Brèves : A compter du 1er juillet 2015, de nouvelles règles de procédure s’appliqueront devant le Tribunal de l’Union Européenne, tout particulièrement en matière de droits de la propriété intellectuelle (juge unique, détermination de la langue de procédure, un seul échange de mémoires, etc…). Lire le Communiqué de presse 73/15 du 19 juin 2015 ici.

L’arrêté du 10 juin 2015 portant modification de l’arrêté du 24 avril 2008 relatif aux redevances de procédures perçues par l’Institut national de la propriété industrielle est paru au JORF du 13 juin 2015. Lire ici

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