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2017/05 > Quid de l’exception de litispendance prévue par le règlement sur la marque européenne

Les actions en contrefaçon engagées sur la base d’une marque européenne relèvent des juridictions nationales désignées par chaque Etat membre comme ayant compétence exclusive pour en connaitre.

L’exception de litispendance prévue à l’article 109 du règlement n° 207/2009 a pour objet d’éviter que des jugements contradictoires soient rendus, en cas d’actions en contrefaçon parallèles portant sur une marque nationale et une marque de l’Union européenne, engagées entre les mêmes parties, pour les mêmes faits, devant des juridictions d’Etats Membres différents.

Dans un tel cas, la juridiction saisie en second lieu doit, même d’office, se dessaisir en faveur de la juridiction première lorsque les marques en cause sont identiques et valables pour des produits ou services identiques.

Elle peut surseoir à statuer si la compétence de la première juridiction est contestée ou si la marque et/ou les produits ou service ne sont que similaires.

La Cour de Justice de l’Union européenne, dans une affaire C-231/16, va devoir se prononcer sur l’application de l’article 109 du règlement sur question préjudicielle posée par le tribunal régional de Hambourg (Allemagne), statuant en tant que tribunal des marques de l’Union européenne sur l’usage du nom « Merck ».

Il faut savoir qu’à la suite de la scission intervenue entre le groupe pharmaceutique allemand Merck et sa filiale américaine, deux sociétés distinctes existent sous le nom « Merck » dont l’utilisation est régie par des accords de coexistence depuis 1970.

Titulaire de la marque européenne « Merck », la société allemande Merck KGaA (A) a ainsi le 8 mars 2013 devant la juridiction allemande, assigné les deux sociétés américaines Merck & Co.Inc. et Merck Sharp & Dohme Corp. (B) et leur filiale allemande MSD Merck Sharp & Dohme GmbH (C) en vue d’obtenir à leur encontre l’interdiction de l’usage du signe « Merck » sur des sites internet par définition accessibles sans limite géographique, et des plateformes telles que Facebook, Twitter et Youtube. Le 11 mars 2013, A a également engagé une action en contrefaçon relative à l’usage du même signe, sur la base d’une marque nationale au Royaume-Uni, devant la High Court of Justice à l’encontre de B et de trois autres sociétés du même groupe.

Les défenderesses B et C ont alors soutenu devant le juge allemand qu’en application de l’article 109 §1, celui-ci devait se dessaisir, ce à quoi A a répliqué que parce que son action au Royaume Uni était fondée sur une marque nationale à l’encontre d’actes de contrefaçon commis sur un seul territoire national, l’article 109§1 du Règlement était inapplicable. Par la suite, A s’est désistée de cette action.

Pour répondre à la question de l’exception de litispendance posée dans le cadre de ces circonstances particulières, l’Avocat général M.Maciej Szpunar propose à la cour de répondre :

« L’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne, doit être interprété en ce sens que, lorsque deux actions en contrefaçon sont formées devant des juridictions d’États membres différents, la première sur la base d’une marque nationale, concernant la contrefaçon sur le territoire d’un État membre et la seconde sur la base d’une marque de l’Union européenne, concernant la contrefaçon en relation avec l’ensemble du territoire de l’Union, ces actions ne coïncident que partiellement dans la mesure où elles concernent le territoire de cet État membre.

Le tribunal des marques de l’Union européenne, lorsqu’il est saisi en second lieu, doit se dessaisir, même d’office, de la partie de la demande concernant le territoire pour lequel les actions coïncident. »

Cette affaire amène à se poser la question des conditions de l’application de l’exception de litispendance, qui doit concerner des mêmes actions formées pour les mêmes faits entre les mêmes parties, sur la base de marques identiques et désignant les mêmes produits/services.

Selon l’Avocat Général, la condition d’identité des parties est remplie si les actions mettent en cause des sociétés qui ne sont pas forcément les mêmes mais des sociétés économiquement liées, société-mères et filiales (§46).

Quant aux actions, « elles ne doivent pas être « identiques » au sens propre du terme, mais doivent coïncider pour ce qui est de leur cause et de leur objet. »(§49).

Sachant que l’objectif de l’article 109 §1 est d’éviter des jugements contradictoires, ne pas le mettre en œuvre à l’encontre d’un titulaire d’une marque européenne quand celui-ci a engagé une action sur une marque nationale identique devant une juridiction nationale risquerait d’aboutir précisément à un résultat inverse à l’objectif recherché (§66 et 67).

En l’espèce, les deux actions ne coïncident que partiellement à savoir pour le territoire sur lequel la marque nationale est protégée. Toutefois, selon l’Avocat Général, le tribunal des marques de l’Union européenne, lorsqu’il est saisi en second lieu, doit se dessaisir d’office, de la partie de la demande qui lui est soumise concernant le territoire pour lequel les actions coïncident.

S’agissant enfin des conséquences du désistement intervenu, l’Avocat Général constate que les actions en contrefaçon considérées ne sont plus identiques.

Brève : l’ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016 relative aux sociétés constituées pour l’exercice en commun de plusieurs professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, prise en application de l’article 65 2° de la loi Macron du 6 août 2015, a posé le schéma des sociétés pluri-professionnelles d’exercice « SPE ». Les décrets d’application viennent d’être publiés au JORF du 5 mai 2017. Le décret n° 2017-795 détermine les conditions de transformation d’une société civile professionnelle envers une « SPE » tandis que le décret n° 2017-797 détermine les conditions d’exercice de la profession de conseil en propriété industrielle par une « SPE ».

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