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2014/01 > Le dessin et modèle communautaire non enregistré en questions

Le dessin et modèle communautaire non enregistré (DMCNE) a suscité semble-t-il peu d’intérêt  lors de sa création par le règlement 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires (RDMC).

C’est pourtant sur ce fondement que le Bundesgerichthof (Cour de révision allemande) a formé une demande de décision préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), qui va ainsi permettre à celle-ci pour la première fois de se prononcer sur les règles et conditions de protection de ces DMCNE (Aff. C-479/12).

Depuis le 6 mars 2002, date d’entrée en vigueur du Règlement, en effet, le créateur qui a divulgué un dessin ou modèle pour la première fois auprès du public au sein de l’Union européenne bénéficie des droits prévus pour les DMCNE par ce Règlement et peut les invoquer pendant trois ans à compter de cette divulgation contre toute copie.

C’est en application de ces dispositions qu’une société allemande A commercialisant en Allemagne un modèle de mobilier de jardin créé par son gérant et qui l’avait divulgué auprès de négociants allemands, était intervenue à l’encontre d’un concurrent allemand B qui avait commercialisé dans l’Union européenne une copie de ce modèle fabriquée en Chine et avait obtenu à son encontre une décision d’interdiction.

Le Bundesgerichthof a ainsi posé à la CJUE plusieurs questions préjudicielles relatives à la notion de divulgation, point de départ de la durée de protection du DMCNE (art.11 RDMC), aux antériorités opposables (art.11§2 RDMC), à la charge de la preuve des actes de contrefaçon allégués, aux règles de prescription ou de forclusion de l’action en contrefaçon et au droit applicable, pour lesquelles Monsieur l’Avocat général Wathelet MELCHIOR  a présenté ses conclusions le 5 septembre 2013.

La première question posée concernait plus précisément le point de savoir si la communication de représentations d’un modèle à de simples négociants valait divulgation auprès du public au sens du Règlement.

A cette question, M. l’Avocat Général Wathelet MELCHIOR propose de répondre positivement dans la mesure où la rédaction de l’article 11§2 prévoit qu’un dessin ou modèle est considéré comme divulgué au public « s’il a été publié, exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière », de sorte d’être connu « des milieux spécialisés du secteur concerné ». Il semble dès lors trop restrictif de viser, pour déterminer ce public, uniquement les personnes qui, au sein du secteur concerné, sont chargés de concevoir, de développer ou de fabriquer des produits sans y inclure les négociants et les commerçants. Ainsi la divulgation du modèle communautaire non enregistrée et le point de départ de sa protection pourraient découler de la présentation du modèle à des négociants.

La seconde question consistait à savoir si le modèle pouvait être considéré comme divulgué pour avoir été exposé dans les locaux d’une entreprise située hors des frontières de l’Union, en Chine dans le cas présent ?

La réponse à cette question entraine un certain nombre de conséquences sur la protection du modèle,  et tout particulièrement sa nouveauté. Ainsi, en application de l’article 5 du RDMC, la première divulgation au public d’un DMCNE détruit la nouveauté d’un modèle postérieur. Par ailleurs et en application de l’article 7, sont également opposables à un DMCNE, et susceptibles de détruire sa nouveauté, les faits de divulgation d’un modèle « publié à la suite de l’enregistrement ou autrement, ou exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière » à condition qu’ils soient « raisonnablement connu des milieux spécialisés du secteur concerné opérant dans l’Union ». Il en résulte que la divulgation peut avoir eu lieu hors de l’Union Européenne mais seule sa connaissance par les milieux spécialisés du secteur concerné dans  l’Union Européenne sera susceptible de détruire la nouveauté attachée au modèle.

A la question posée, M. Wathelet MELCHIOR propose de répondre « qu’un dessin ou modèle, bien que divulgué à des tiers sans être assorti de conditions explicites ou implicites de secret, ne peut pas, dans la pratique normale des affaires, être raisonnablement connu des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans l’Union européenne, s’il n’a été divulgué qu’à une seule entreprise desdits milieux spécialisés ou n’a été exposé que dans les locaux d’exposition d’une entreprise située en dehors de l’Union et du champ d’observation habituel du marché ».

Ce n’est donc ni la nouveauté absolue, ni relative dans l’espace qui est requise, et la divulgation invoquée doit être suffisante pour être portée à la connaissance des milieux spécialisés opérant dans l’Union. Telle serait par exemple le cas d’une divulgation à l’occasion d’une foire internationale réputée à laquelle participeraient la plupart ou les principaux acteurs européens du secteur concerné.

La troisième question était relative à la charge de la preuve des faits dont l’interdiction est demandée. M. Wathelet MELCHIOR propose de répondre qu’il revient au titulaire du DMCNE de rapporter la preuve que l’utilisation contestée constitue la copie du modèle invoqué. Il peut avoir recours pour ce faire à tous les moyens procéduraux prévus par sa législation nationale.

Enfin, la dernière question était relative aux règles de prescription et de forclusion applicables à une telle action en interdiction. Pour M. Wathelet MELCHIOR, en l’absence de règlementation européenne en la matière, ces règles relèvent de l’ordre juridique interne de chaque Etat membre qui doit les définir en respectant les principes d’équivalence et d’effectivité.

Reste maintenant à savoir si la CJUE suivra ces conclusions.

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