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2013/05 > La Cour de cassation et l’application de la Convention de Berne à l’auteur d’une œuvre créée à l’étranger

La Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques du 9 septembre 1886, est un traité qui établit les fondements de leur protection internationale. Elle permet notamment à un auteur étranger de protéger ses droits à l’étranger, en l’absence de tout dépôt auprès d’un Office de Propriété Industrielle, et de se prévaloir de la loi applicable dans le pays où il souhaite intervenir pour faire valoir ses droits.

L’article 5 de cette convention dispose dans ses points 1) et 2) :

« (1) Les auteurs jouissent, en ce qui concerne les œuvres pour lesquelles ils sont protégés en vertu de la présente Convention, dans les pays de l’Union autres que le pays d’origine de l’œuvre, des droits que les lois respectives accordent actuellement ou accorderont par la suite aux nationaux, ainsi que des droits spécialement accordés par la présente Convention.

(2) La jouissance et l’exercice de ces droits ne sont subordonnés à aucune formalité; cette jouissance et cet exercice sont indépendants de l’existence de la protection dans le pays d’origine de l’œuvre. Par suite, en dehors des stipulations de la présente Convention, l’étendue de la protection ainsi que les moyens de recours garantis à l’auteur pour sauvegarder ses droits se règlent exclusivement d’après la législation du pays où la protection est réclamée. »

Les tribunaux français ont toutefois jusqu’alors considéré, en majorité, que la Convention de Berne et notamment son article 5 étaient muets sur la question du titulaire des droits, qu’il soit titulaire initial ou cessionnaire. En effet, pour pouvoir faire valoir des droits d’auteur devant une juridiction, encore faut-il pouvoir intervenir en cette qualité d’ « auteur » de l’œuvre, titulaire initial des droits sur cette même œuvre, ou en tant que titulaire des droits pour les avoir acquis.

Du fait de ce silence, les tribunaux décidaient majoritairement que pour déterminer si le titulaire des droits d’auteur pouvait se prévaloir de cette qualité, il fallait se référer à la loi du pays d’origine de l’œuvre. Cette position avait notamment été adoptée par la Cour d’Appel de Paris dans le cadre de litiges portant sur des droits de propriété intellectuelle de la société Marie-Claire pour la reprise d’élément de couverture de son magazine en Pologne (C.A. Paris 01/10/2008 n° 06/06988), de Swarovski France s’agissant de la contrefaçon de ses créations (C.A. Paris 16 février 2007 n° 05/14890) ou encore par la Cour de Cassation dans une affaire opposant la société de production de film Universal City à un auteur à propos de la contrefaçon de son roman (Cour de Cassation, 30/01/2007).

C’était sans compter sur un revirement de jurisprudence de cette même Cour Suprême, qui, par deux arrêts en date du 10 avril 2013 (pourvoi n°11-12.508 et 11-12.509), a décidé de la qualité de titulaire initial des droits d’auteur, par application de la loi du pays où la protection était revendiquée et non par application de la loi du pays d’origine de l’œuvre. Dans ces deux affaires, des journalistes, au service d’une chaine de télévision américaine, avaient été licenciés. Les tribunaux furent alors saisi d’une contestation du bien-fondé de ces licenciements, ainsi que de demandes au titre de la violation des droits de ceux qui se prétendaient auteurs, du fait de l’exploitation sans leur autorisation de reportages et documentaires. Pour rejeter ces demandes, la Cour d’Appel avait retenu dans deux décisions du 15 décembre 2010, n° 08/11516 et 08/11517, que la loi américaine, qui était la loi d’origine des œuvres, et du prétendu fait dommageable, était la loi applicable en l’espèce et qu’en application de cette même loi, l’employeur était le seul détenteur originaire des droits d’auteur.

La Cour Suprême rappelle dans ces deux arrêts du 10 avril 2013, que selon le texte de la Convention de Berne, la jouissance et l’exercice des droits d’auteur sont indépendants de l’existence d’une protection au titre du droit d’auteur dans le pays d’origine de l’œuvre. Elle en déduit qu’en dehors des dispositions prévues par la Convention, l’étendue de la protection de l’auteur et les moyens de recours dont il bénéficie pour faire valoir ses droits, se règlent par application de la loi du pays où la protection est revendiquée.

La Cour de Cassation casse ensuite les deux décisions de la Cour d’Appel au motif que la détermination du titulaire initial des droits d’auteur est également soumise à l’article 5.2 de la Convention de Berne, et ainsi à la loi du pays où la protection est revendiquée. Elle censure ainsi la Cour d’Appel qui avait considéré que les prérogatives patrimoniales du droit d’auteur qui sont transmissibles, à la différence du droit moral, pouvaient naître entre les mains d’un tiers sans choquer l’ordre juridique français.

Les entreprises étrangères, employant des auteurs français, ne pourront que porter attention à ces décisions qui témoignent une fois de plus de l’attitude, très protectrice des auteurs, adoptée par les juridictions françaises, dans la logique de la décision maintenant ancienne de la même Cour Suprême, relative cette fois, au droit moral de l’auteur dans l’arrêt du 28 mai 1991, à propos de la colorisation du film de John Huston, Asphalt Jungle, à laquelle ses héritiers s’opposaient. La Cour avait, dans cette décision, évincé la loi américaine, normalement applicable, au profit de la loi française, au motif que les règles relatives au droit moral sont d’ordre public et donc d’application impérative.

 

Brèves :

Adhésion des Comores à l’OAPI

Le 25 mai 2013, Les Comores ont rejoint l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI) en adhérant à l’Accord de Bangui, et sont devenus ainsi le dix-septième membre de l’organisation. Par cette adhésion, les droits de propriété intellectuelle seront désormais étendues à cette nation insulaire en déposant une seule demande par le bureau de l’OAPI, dont le siège est situé à Yaoundé, au Cameroun.

Adhésion de l’Inde au Protocole de Madrid

Le 8 avril 2013, le Gouvernement indien a déposé auprès du Directeur général de l’OMPI son instrument d’adhésion au Protocole de Madrid. Le Protocole de Madrid entrera en vigueur, à l’égard de l’Inde, le 8 juillet 2013. L’adhésion de l’Inde au Protocole de Madrid porte à 89 le nombre de parties contractantes au Protocole de Madrid et à 90 le nombre total de parties contractantes au système de Madrid.

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