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2011/03 > Le projet de système unifié de règlement des litiges en matière de brevets : la copie est à revoir !

La CJUE (Cour de Justice de l’Union Européenne) a rendu, en assemblée plénière, le 8 mars 2011 son avis sur le projet d’accord visant à créer un système unifié de règlement des litiges relatifs aux brevets, destiné à s’appliquer au brevet européen, institué par la Convention sur le Brevet Européen et délivré par l’O.E.B. (Office européen des brevets), et au futur brevet communautaire.

Ce projet prévoit tout particulièrement la création d’une juridiction supranationale qui serait amenée à se prononcer, pour ces deux types de brevets, sur les actions en contrefaçon ou non-contrefaçon, les actions en nullité …etc, les concernant, sans qu’il soit désormais nécessaire d’engager des actions auprès des différentes juridictions nationales que ces titres couvrent. Cette juridiction ne relèverait pas de l’ordre juridique communautaire car, sa compétence incluant le brevet européen, elle concernerait aussi des pays qui ne sont pas membres de l’Union Européenne (la Turquie par exemple).

La CJUE, au final, ne s’écarte pas de la prise de position des Avocats généraux adoptée le 2 juillet 2010 et considère que ce projet n’est pas compatible en l’état avec les dispositions du TFUE (Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne).

Ainsi, la Cour retient principalement que les compétences attribuées à cette juridiction doivent respecter les dispositions de l’article 267 du TFUE. Celles-ci permettent aux juridictions nationales de saisir la CJUE, à titre préjudiciel, lorsque l’interprétation des traités, la validité des droits de l’Union Européenne sont en cause. La Cour insiste sur cette coopération directe des juridictions nationales, qui permet à ces dernières de participer de façon étroite à la bonne application et à l’interprétation uniforme du droit de l’Union ainsi qu’à la protection des droits conférés aux particuliers.

Or, si un renvoi préjudiciel devant la CJUE (et non une voie de recours) est prévu par le projet d’accord, il est réservé à la juridiction supranationale des brevets que le projet vise à créer, dépossédant ainsi les juridictions nationales dans le domaine de compétence qui lui est conféré.

La CJUE considère que le projet d’accord, en attribuant une compétence exclusive à cette juridiction, qui se situe en dehors du cadre institutionnel et juridictionnel de l’Union, pour connaître d’un nombre important d’actions engagées par des particuliers dans le domaine du brevet communautaire ainsi que pour interpréter et appliquer le droit de l’Union, « dénature les compétences que les traités confèrent aux institutions de l’Union et aux Etats membres qui sont essentielles à la préservation de la nature même du droit de l’Union » alors que les « fonctions attribuées respectivement aux juridictions nationales et à la Cour sont essentielles à la préservation de la nature même du droit institué par les traités ». La Cour souligne également qu’une décision rendue par cette juridiction des brevets, qui violerait le droit de l’Union ne pourrait faire l’objet d’aucune procédure en manquement et qu’aucun Etat membre n’encourrait de responsabilité patrimoniale de ce chef.

En revanche, il doit être remarqué que la CJUE ne se prononce absolument pas sur le régime linguistique de la juridiction des brevets alors que les Avocats généraux l’avaient considéré inacceptable.

En parallèle, pour permettre la mise en place du brevet communautaire, le principe d’une coopération renforcée, approuvé par le Parlement européen le 15 février 2011, a été autorisé par le Conseil de l’Union européenne le 10 mars 2011.

Le recours à une telle coopération renforcée est autorisé par le traité de Lisbonne, modifiant le Traité sur l’Union européenne, pour permettre l’adoption d’actes législatifs européens à l’égard d’un nombre limité d’Etats membres, dès lors que les objectifs recherchés ne peuvent être atteints dans un délai raisonnable et que neuf Etats membres au moins en sont parties prenantes. L’Espagne et l’Italie refusant le projet de brevet communautaire, le recours à la coopération renforcée va néanmoins permettre de le faire progresser.

La Commission doit, désormais, présenter deux propositions législatives portant sur la création du brevet unique et sur le régime linguistique.

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