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G 1/23 : A quelles conditions un produit commercial fait-il partie de l’état de la technique ?

G 1/23* : A quelles conditions un produit commercial fait-il partie de l’état de la technique ?

Ce nouvel avis de la Grande Chambre de Recours (GCR) clarifie la mesure dans laquelle la commercialisation d’un produit, qui n’est ni analysable et ni reproductible, constitue une antériorité faisant obstacle à une protection ultérieure par brevet.

Les questions posées dans cette affaire sont en lien étroit avec l’avis G 1/92 rendu en 1992 selon lequel la composition ou la structure interne d’un produit fait partie de la technique à la double condition que le produit soit analysable et reproductible par la personne du métier, ses motivations pour réaliser ces investigations ne devant pas entrer en ligne de compte (voir Dispositif, Points 1-2 de G 1/92).

La jurisprudence née de l’application de l’avis G 1/92 était divisée sur le caractère impératif de la condition de reproductibilité d’un produit commercial, ce qui a motivé la saisine de la GCR dans l’affaire T 438/19. Dans ce dossier, les propriétés physico-chimiques (densité, dureté, MFR) du polymère de marque ENGAGE® 8400 ont été divulguées dans le dossier technique fourni par le fabricant. Selon le Titulaire, ces propriétés ne font pas partie de l’état de la technique parce que le polymère ne peut être synthétisé à l’identique par la personne du métier s’appuyant sur ses connaissances générales. L’Opposant, de son côté, a fait valoir que les propriétés du matériau font partie de l’état de la technique, bien que le produit ne soit pas reproductible, car elles constituent des informations accessibles au public avant la date de dépôt.

Pour trancher la question, la GCR a tout d’abord défini le sens du terme « produit mis sur le marché » pour y englober les produits manufacturés qu’une personne du métier se procure sur le marché, mais également les matières premières naturelles que la personne du métier utilise pour fabriquer d’autres produits (Points 26-30). Le fait d’inclure les matières premières naturelles conditionne toute la suite du raisonnement.

La GCR a ensuite examiné les façons qu’il existe de « reproduire » un produit qui a été mis sur le marché. Elle a bien entendu rappelé la reproduction du produit par fabrication en vue d’obtenir une copie équivalente qui avait été discutée dans l’avis G 1/92, puis mentionné la reproduction par réapprovisionnement du produit disponible à la vente. Enfin, a été abordé l’utilisation du produit comme moyen de fabrication d’un nouvel objet ou comme réactif de synthèse d’un composé chimique (Points 31-39).

Après avoir identifié les catégories et les moyens de reproduction d’un produit disponible sur le marché, la GCR a examiné les arguments versés au dossier en faveur de la reproductibilité du produit comme condition nécessaire de divulgation au public.

Elle a tout d’abord jugé absurde de considérer un produit inexistant du seul fait qu’il ne puisse être reproduit, parce qu’un produit commercial est matériellement à la disposition du public. Tous les produits mis en œuvre par l’homme sont en effet issus de matières premières disponibles dans la nature : le polymère ENGAGE® 8400 issu du pétrole brut en est un très bon exemple. En conséquence, « the reproducibility excluding the mere obtaining of the product from the market or taking it from nature, leads to the result that no material in the physical world would belong to the state of the art » (Points 44-68).

La GCR a également jugé absurde que les propriétés d’un produit non reproductible ne puissent pas appartenir à l’état de la technique, bien que le produit ait une existence physique et juridique. Par exemple, l’homme du métier est en mesure de fabriquer un objet par moulage-injection en remplaçant le produit Engage® 8400 par un matériau standard doté des mêmes propriétés, tout en conservant sa structure mécanique (Point 69).

Pour résoudre ces deux paradoxes, la GCR a interprété le caractère « reproductible » énoncé dans G1/92 au sens large et jugé l’obtention matérielle d’un produit suffisante pour que le produit soit reproductible. Elle a également affirmé que les « propriétés analysables d’un produit commercial » appartiennent à l’état de la technique, que le produit soit reproductible ou non (Points 73-75).

En conclusion, un produit disponible sur le marché appartient à l’état de la technique, même si sa composition ou sa structure interne ne peut pas être reproduite par une personne du métier, et les informations techniques relatives à ce produit sont de fait accessibles au public (Point 91 et Dispositif).

Les fabricants et leurs distributeurs devraient être particulièrement prudents et vigilants sur le contenu des informations techniques qu’ils communiquent autour de leurs produits.

On ne saurait que trop rappeler l’importance d’une protection par brevet avant une première commercialisation.

En effet, la simple mise sur le marché d’un produit et la communication d’informations techniques au public constituent des divulgations, que le produit soit reproductible par mise en œuvre des connaissances générales ou non. Bien que de portée très générale, l’avis G 1/23 devrait impacter tout particulièrement le domaine de la chimie des polymères et des matériaux.

*Décision de la Grande Chambre de recours du 02 juillet 2025, G 0001/23
ECLI:EP:BA:2025:G000123.20250702

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