JUB – Position de la CoA sur la Responsabilité des Dirigeants
Décision importante de la Cour d’appel de la Juridiction Unifiée du Brevet* sur la question de la responsabilité des dirigeants en cas de contrefaçon de brevet :
Statuant sur un appel à l’encontre d’une décision au fond de la Division Locale de Munich de la Juridiction Unifiée du Brevet (ci-après, la « JUB ») ayant retenu la responsabilité personnelle des dirigeants des sociétés jugées elles-mêmes coupables d’actes de contrefaçon (DL Munich, 13/09/2024, Koninklijke Philips N.V. / Belkin GmbH, UPC_CFI_390/2023, ACT_583273/2023, ORD_598464/2023), la décision de la Cour d’appel de la JUB était particulièrement attendue.
En première instance, la Division Locale de Munich avait retenu la responsabilité de dirigeants en tant qu’« intermédiaire » à la contrefaçon et avait ordonné des mesures d’interdiction à leur encontre.
Après avoir rappelé qu’un dirigeant ne pouvait pas être considéré comme « intermédiaire » (voir aussi CoA, 29/10/2024, UPC_CoA_549/2024, APL_51838/2024, App_53031/2024), la Cour d’appel confirme qu’un dirigeant peut être personnellement considéré comme « contrefacteur » du fait des actes de contrefaçon commis par la société qu’il dirige.
La Cour d’appel précise toutefois que la simple qualité de dirigeant n’implique pas automatiquement une responsabilité et qu’il convient de caractériser des actes de contrefaçon du dirigeant, en tant qu’« instigateur, complice ou assistant », allant au-delà de ses fonctions générales de gestion, de contrôle et d’organisation.
En effet, compte tenu des dispositions de certains droits nationaux encadrant le régime de responsabilité (par exemple, en France, l’exigence d’une « faute séparable de ses fonctions » – Cass. Com. 20 mai 2003, n°99-17.092), mais aussi des difficultés pratiques liées à l’appréciation de la contrefaçon et de la validité des brevets, notamment dans des secteurs technologiques complexes, la Cour considère que la responsabilité du dirigeant ne peut être caractérisée que si des actes dépassant ses fonctions habituelles ont été commis, par exemple lorsque le dirigeant utilise « délibérément » l’entreprise pour commettre des actes de contrefaçon.
La Cour d’appel précise également qu’un dirigeant peut engager sa responsabilité lorsqu’il est informé de l’existence d’actes de contrefaçon et qu’il ne prend pas les mesures disponibles et raisonnables qui permettraient de mettre un terme à la contrefaçon. Une telle connaissance des actes de contrefaçon suppose non seulement une connaissance des faits en cause (par exemple, la vente de produits ultérieurement considérés contrefaisant), mais aussi une connaissance de leur caractère contrefaisant.
Une telle connaissance (ou absence de connaissance) pourrait être établie sur la base d’une consultation juridique, par exemple une étude de liberté d’exploitation. Ainsi, la Cour considère qu’un dirigeant pourrait valablement démontrer l’absence de connaissance de la contrefaçon en se fondant sur une consultation juridique excluant la contrefaçon jusqu’à ce qu’une décision judiciaire vienne infirmer une telle analyse.
En revanche, le raisonnement de la Cour pourrait soulever des difficultés lorsqu’une étude de liberté d’exploitation conclut au contraire à l’existence d’un certain niveau de risques. Toutefois, la preuve d’une telle connaissance sera en pratique difficile à rapporter pour des tiers.
Au cas d’espèce, la Cour d’appel censure la décision de la Division Locale sur la question de la responsabilité du dirigeant, du fait de l’absence de preuve d’une connaissance effective de la contrefaçon.
* Juridiction Unifiée du Brevet (JUB), CoA, 03 octobre 2025, affaire UPC_CoA_534/2024, UPC_CoA_19/2025, UPC_CoA_683/2024, Koninklijke Philips N.V. v. Belkin GmbH
Gaston VEDEL, Avocat, Associé de BDL-IP LEGAL
Sabine BORNY, Avocate, Collaboratrice de BDL-IP LEGAL