G 1/24 : la description et les dessins doivent être systématiquement consultés pour l’appréciation de la brevetabilité devant l’OEB
La Grande Chambre de recours (GCR) de l’OEB vient de rendre une décision très attendue sur l’interprétation des revendications dans le cadre de l’examen de la brevetabilité, et clarifie la pratique à adopter à ce sujet.
Dans l’affaire T 439/22 ayant saisi la GCR se pose la question de savoir si un terme revendiqué (« gathered sheet »), qui a un sens clair et communément accepté dans le domaine technique en cause, doit être interprété sans se référer à la description, ou s’il faut tenir compte d’une définition fournie dans la description qui confère à ce terme un sens plus large. Cette question est essentielle pour la résolution de cette affaire dans la mesure où, selon que l’une ou l’autre des interprétations est suivie, l’objet de la revendication 1 est ou non considéré comme dépourvu de nouveauté. L’apport de G 1/24* aura vraisemblablement une incidence globale, allant au-delà de l’affaire T 439/22, sur les procédures d’examen ou d’opposition devant l’OEB.
Les questions posées à la GCR visaient à clarifier la base légale sur laquelle se fonder pour interpréter les revendications dans le cadre de l’appréciation de leur brevetabilité, et dans quelle mesure il doit être recouru à la description et aux dessins pour cette interprétation. Il s’agit en particulier de savoir si ces éléments doivent être systématiquement consultés ou, au contraire, ne l’être que si l’objet de la revendication, prise isolément, est considéré comme peu clair ou ambigu du point de vue de la personne du métier.
Dans G 1/24, la GCR pose le principe suivant : « les revendications constituent le point de départ et la base pour évaluer la brevetabilité d’une invention […] La description et les dessins doivent toujours être consultés pour interpréter les revendications lors de l’évaluation de la brevetabilité d’une invention […] et pas seulement si la personne du métier considère qu’une revendication n’est pas claire ou ambiguë lorsqu’elle est lue isolément. »
Dans cette affaire, la GCR indique que ni l’Article 69 CBE et son protocole interprétatif, ni l’Article 84 CBE ne constituent des bases légales entièrement satisfaisantes pour l’interprétation des revendications visant à apprécier leur brevetabilité, s’écartant ainsi de décisions antérieures. Plus précisément, la GCR considère que l’Article 69 CBE et son protocole interprétatif ne sont à utiliser que pour apprécier la contrefaçon devant les Tribunaux nationaux et la Juridiction Unifiée du Brevet (JUB). La GCR souligne, en outre, que l’Article 84 CBE est simplement de nature formelle en indiquant simplement au rédacteur ce que doit contenir la revendication.
En l’absence d’une base légale claire dans la CBE, la GCR se fonde sur une ligne jurisprudentielle existante des Chambres de recours (CR) conforme avec le principe d’interprétation évoqué plus haut, ainsi que sur la pratique des Tribunaux nationaux et de la JUB pour rejeter une autre ligne jurisprudentielle existante des CR selon laquelle la consultation de la description et des dessins doit être conditionnée à l’existence d’un défaut de clarté ou d’une ambigüité dans la revendication. La GCR ajoute que, à des fins d’harmonisation, il est peu souhaitable que l’OEB adopte une pratique contraire à celles des Tribunaux qui connaissent les litiges basés sur les brevets européens.
La décision G 1/24 constitue un alignement de la pratique de l’OEB sur la récente jurisprudence de la JUB. L’OEB appliquant désormais les mêmes principes d’interprétation que les Tribunaux nationaux et la JUB, il est possible que le dossier d’examen prenne une place plus importante dans le cadre de litiges post-délivrance. En tout état de cause, cette décision confirme l’importance d’apporter une grande attention à la rédaction de la description et des dessins, et à leur adaptation durant l’examen devant l’OEB, afin que l’interprétation fondée sur ces éléments soit en cohérence avec la portée recherchée par le déposant dans les revendications.
*Décision de la Grande Chambre de recours du 18 juin 2025, G 0001/24
ECLI: EP:BA:2025:G000124.20250618