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2012/12 > Le juge « tout puissant »

Par un arrêt du 15 novembre 2012, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) se prononce sur l’opposabilité à l’égard des juges des décisions administratives rendues par les Offices de propriété industrielle, s’agissant, en l’espèce, d’une procédure d’invalidation d’un modèle d’utilité (Arrêt du 15 novembre 2012, Aff. C-180/11, Bericap contre Plastinnova).

Cette décision intervient sur question préjudicielle posée par la cour d’appel de Budapest dans une affaire inhabituelle. Une société A avait déposé une demande de modèle industriel devant l’Office hongrois des brevets et l’avait ensuite transformé en demande de modèle d’utilité en revendiquant la priorité de sa demande antérieure. Une société B avait demandé l’annulation de ce modèle d’utilité au motif qu’il ne répondait pas aux conditions légales de nouveauté et d’activité inventive. Cette demande avait été rejetée une première fois.

Une seconde procédure en annulation de ce modèle d’utilité fut par la suite engagée par la même société B à nouveau devant l’Office hongrois. A s’opposa à cette demande en nullité au motif que les exigences légales, notamment celles de l’état de la technique, avaient déjà été examinées lors de la première procédure et demanda que cette nouvelle action soit rejetée sans examen au fond.

La cour d’appel de Budapest, saisie sur recours formé à l’encontre de la décision rendue par l’Office hongrois, qui avait accueilli l’argumentation de la société A, décida alors de surseoir à statuer, pour demander, sur question préjudicielle à la Cour de Justice, si la procédure d’invalidation telle que prévue par la loi hongroise était bien conforme à la directive 2004/48 relative au respect des droit de propriété intellectuelle (droits de PI), et de répondre aux questions suivantes à la lumière de l’accord ADPIC et de la Convention d’Union de Paris (CUP) :

1/ la procédure nationale peut-elle s’appliquer de telle façon que le juge national puisse ne pas être lié par les déclarations des parties ayant des effets juridiques et puisse ordonner la production des éléments de preuve qu’il estime nécessaires ?

2/ la procédure nationale peut-elle s’appliquer de telle façon que le juge puisse ne pas être lié par une décision administrative antérieure, rendue sur demande d’invalidation, ni par les constatations de fait qui ont pu être effectuées, et même exclure des éléments de preuve précédemment produits ?

S’agissant en premier lieu de statuer sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle, la CJUE rappelle que les juridictions nationales ont la faculté la plus étendue de saisine si elles considèrent qu’une affaire dont elles sont saisies soulève des questions exigeant une interprétation ou une appréciation de la validité des dispositions du droit de l’Union Européenne. Elle souligne que les questions posées reviennent à interpréter certaines des dispositions de la Directive 2004/48 relative au respect des droits de Propriété Industrielle, ainsi que certaines dispositions de la CUP et de l’Accord ADPIC, afin de déterminer si les règles de procédure nationales sont compatibles avec ces dispositions et que, dès lors, elle a compétence. Elle indique également que le point de savoir si la Directive 2004/48 relative au respect des droits de PI est pertinente en l’espèce, relève du fond des questions posées et non de leur recevabilité.

Ceci précisé, la CJUE dit pour droit que la procédure d’annulation d’un modèle d’utilité et ses modalités d’application ne relèvent pas de la Directive 2004/48. En effet, cette directive a pour but d’assurer le respect des différents droits dont bénéficient les personnes qui ont acquis des droits de PI. Or la procédure en cause ne vise pas à assurer la protection d’un titulaire d’un droit de PI mais à permettre à une personne non titulaire d’un tel droit de contester la protection accordée, ici, au titre du modèle d’utilité.

Elle ajoute que les dispositions de la Directive 2004/48 n’étant pas applicable, elles ne peuvent dès lors s’opposer à ce que le juge :

  • puisse ordonner d’office la production des preuves qu’il estime nécessaires et ne soit pas lié par les conclusions et autres déclarations des parties,
  • décide de ne pas se conformer à une décision administrative rendue sur une demande d’invalidation et à l’analyse des fait qu’elle contient , et
  • décide d’examiner à nouveau des preuves ayant déjà été présentées à l’occasion d’une demande antérieure d’invalidation.

 

Autrement dit, un juge national n’est pas nécessairement lié par la décision d’invalidation précédemment rendue par son Office national de propriété industrielle. Il peut fonder sa décision sur un nouvel examen des preuves précédemment soumises dans une procédure antérieure, et même ordonner la production de toute autre preuve qu’il estime nécessaire.

Brève : Notre flash spécial sur le « paquet brevet », approuvé le 11 décembre 2012 par le Parlement européen, suivra sans attendre.

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